pour un nouvel espoir du côté des gens.
La séquence historique change, c’est là notre hypothèse de départ : la politique redevient possible dans le sens où elle peut être à nouveau l’affaire des gens, en subjectivité et donc en actions. Des signes, des réalités sont là, et même si cela ne fait pas le printemps, cela nous met face à un nouveau questionnement : cette politique qui vient, qui devient possible, que veut-elle, sur quoi peut-elle s’appuyer, et quelles en sont les conditions ?
Ce possible se manifeste après des années où l’Etat, les partis et les institutions se sont accaparés la politique, l’ont confisquée aux gens et en ont fait leur chasse gardée.
« Politique » pendant plus de 20 ans a été synonyme d’Etat, de places dans ce même Etat, de reniements, de corruption.
« Politique », nous a-t-on alors expliqué, est affaire « d’experts » et de «personnes compétentes » payées pour faire tourner la machine comme elle doit tourner. Il fallait admettre que d’un côté il y a les gens, qui vivent ce qu’ils vivent, et de l’autre ceux qui savent, pensent, décident et imposent. Et que tout désaccord émis ne pouvait provenir que du fait que « nous n’avions pas compris » ou que « la communication n’avait pas été bien faite ».
Dans ce cadre, la politique ne pouvait être vécue que comme indifférente aux gens, à leur vie, et les gens, à juste titre, n’ont pu être qu’indifférents à elle.
Notre hypothèse, vous l’aurez compris, est que la politique aujourd’hui peut redevenir l’affaire des gens, affaire de principes et de convictions, et que peuvent être énoncés, en situations, les possibles d’un « pour tous », pour l’intérêt général, pour le respect et la dignité des personnes, pour des rapports pacifiés entre les habitants differents qui font ce pays.
Il s’agit de permettre un espoir, l’espoir n’étant pas la promesse de « bons lendemains », mais la disposition de la volonté, ici et maintenant, selon laquelle ce qui devrait être peut se réaliser.
« Le Journal des possibles » que nous proposons de faire vivre, et pour lequel nous appelons à contributions (contributions d’idées, de débats, d’articles…) nous le concevons comme un lieu pour accompagner cette séquence. Ouvrir à des possibles, présenter ce qui se pense et se fait ou tente de se faire à partir d’expériences singulières, ouvrir et présenter de nouveaux chemins pour la pensée/action, voilà le vaste programme que nous lui fixons.
Ce projet de journal ne se veut donc ni nouvelle gazette, ni nouvelle organisation mais bien lieu de l’énoncé des possibles, tels qu’ils se cherchent du côté des gens.
I) La politique redevient d’actualité ?
Nous y voyons essentiellement 3 raisons :
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La 1°, ce sont les nombreuses prises de position qui existent face aux mesures de tensions et de violences que l’état exerce contre des pans entiers de la population. Ces prises de position sont faites le plus souvent à titre individuel et ouvrent à des débats et interrogations qui traversent le pays. Ces prises de position existent uniquement par ce que certains, en leur nom, décident de faire face à une situation qui leur devient insupportable : persécution des réfugiés, Calais, mineurs isolés, campements précaires attaqués et détruits, situations particulières dans des quartiers populaires, des lieux de travail, etc…
Ce « Faire Face » a l’immense qualité de nous sortir de l’éternel complainte de l’impuissance qui se justifie de ne rien faire au motif que « l’Etat ne nous écoute pas, alors… ». Cela rompt aussi avec le « victimaire » ambiant autre manifestation d’impuissance associée à une demande de protection sécuritaire.
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La 2° raison vient de nos propres expériences d’enquêtes, de travail militant, de tentatives populaires et du travail de pensée qui les accompagne pour tenir et faire émerger ce que nous appelons une capacité et une puissance des gens eux-mêmes. Nous y reviendrons.
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La 3° raison, elle, se situe du point du champ parlementaire lui même et de sa crise. La fin de la dualité droite/gauche, qui a provoqué une crise importante du parlementarisme et qui a permis à Macron d’arriver au pouvoir, participe de clore la capacité de l’Etat à rester le seul détenteur légitime de la politique. Cela requestionne obligatoirement la politique, sa possibilité, et pas seulement du point de la crise du parlementarisme. Il ne peut y avoir de situation d’ensemble sans dualité.
II) La transformation de l’Etat et quelques conditions pour donner corps à des possibles du côté des gens :
Il y a quelques années, nous avions avancé l’idée que l’Etat se transformait profondément. Qu’il devenait un état sans peuple, séparé des gens, centré sur sa propre logique, sa propre politique pour lui-même, et qu’ainsi il ne connaissait plus de limites. Cela a été évident dans le traitement des ouvriers sans-papiers dès les années 90, puis en direction des habitants des quartiers populaires où le « sécuritaire » est devenu le filtre à partir duquel tout devait se traiter. Très vite, entre l’Etat, ses differents gouvernements et les habitants des quartiers populaires, plus rien ne pouvait, ne devait, se discuter, le traitement policier constituant la seule réponse à toute question. Dans ces lieux, pour les gens concernés, l’Etat sans peuple est de rigueur depuis des années, avec toutes ses conséquences dans le réel, dans la vie, dans les pensées. Cela devient la norme applicable maintenant à tout le pays.
Il nous faut apprendre à faire avec cette nouvelle situation que l’on peut qualifier ainsi : pour l’Etat, il n’y a plus rien entre lui et les gens, plus de médiation, plus de négociation possible, plus de parole donnée et tenue. C’est un face à face, décidé par les gouvernements, où les gens sont démunis pour y répondre car les vieilles façons de penser le rapport aux gens et le rapport à l’Etat sont encore dominantes.
Quelques conditions :
1) Parler de « possibles » n’a de sens que si on part du réel des situations faites aux gens, et de ce qu’il y a dans ces situations : à savoir ce que chacun dit, pense, fait dans cette situation, pour la transformer. Il s’agit en fait de partir de ce qu’il y a et non de ce qu’on voudrait, ou de ce à quoi on voudrait arriver pour coller à une théorie pré-établie.
Cela demande une véritable rupture d’avec la pensée actuelle car cela va à l’encontre de l’idée dominante qui est que la politique est l’affaire de « ceux qui savent » à l’avance ce qu’il y a, ce qu’il faut penser et faire, et où il s’agit en fin de compte de ralier les gens à « une grande idée d’ensemble », qui obligatoirement ramène à l’Etat.
Non, aujourd’hui, nous pouvons affirmer que s’il y a besoin d’une grande idée générale c’est bien de celle-ci : oeuvrer à la mise en place, dans sa pensée et son effectivité, à ce qui est possible dans chaque situation, cela par les gens eux-mêmes, c’est à dire tous ceux qui décident de s’y confronter, avec toujours le souci de l’intérêt général, du « pour tous ».
2) Nous inscrivons donc d’entrée cette proposition de « Journal des possibles » dans la volonté affichée de présenter des processus qui se tentent, se constituent du côté des gens, et d’en accueillir des expériences en gestation ou plus développées. Toutes recherches allant dans ce sens sont les bienvenues.
3) Arrivés à ce point, on voit bien qu’il ne s’agit pas de dénoncer les mauvais coups des gouvernements, d’en établr des listes et des complaintes sans fin, car dans ce cas, en dernier ressort, on se met dans la position de victime qui doit soit se révolter, soit se chercher un « protecteur ». La recherche du « protecteur » (le parti, l’état, le grand intellectuel…) justifie sa propre impuissance. La révolte comme unique réponse nous ré-installe dans l’idée que seul l’antagonisme à ce qui existe peut nous sauver. Dans les 2 cas, on part de l’ennemi, de ce qu’il nous dicte comme temps, comme échéances, comme dualités.
Travailler à partir des possibles, ce n’est plus regarder du côté de l’Etat mais du côté des gens, de nous mêmes, c’est créer de nouvelles alliances, se mettre d’accord sur des principes à partir des convictions de chacun.
Capacité et puissance des gens peuvent alors être au rendez-vous de la séquence historique qui s’ouvre.
La proposition du « Journal des possibles », pour un nouvel espoir du côté des gens, s’inscrit dans cette dynamique.
Mars 2018; Brigitte, Cherif, Fellagh, Jean-Louis, Marcel, Pierre, Robin, Zoubida
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