On ne peut être dans un moment de paix que si on veut la paix

1. Actuellement, on n’est pas en paix :

La guerre a lieu où ? Partout dans le monde. Il y a des pays où il y a une guerre matérielle (armée) et des pays où il y a une guerre politique. La guerre matérielle, elle flambe et elle s’arrête un jour ou l’autre, mais la guerre politique continue sans cesse. Quand on ne compte pas les gens, c’est une guerre politique.

Je fais la différence entre ces 2 guerres.

Les politiques de guerre obligent les gens à partir, à quitter leur pays, ils deviennent des réfugiés qui cherchent un lieu où vivre. Ces gens-là espèrent trouver refuge ; certains sont bien accueillis, mais beaucoup trouvent le contraire : ils sont bloqués sur la route, expulsés, mal traités…. c’est ce qu’on voit en Amérique : ils risquent de se retrouver bloqués aux frontières, l’armée devant eux. Ça, c’est l’image qui me fait dire qu’on est dans une politique de guerre vraie : les gens cherchent à changer de pays pour pouvoir vivre en paix, ils cherchent à sauver leur vie, et ils trouvent à nouveau la guerre.

Ce qu’on voit dans le monde dans la période actuelle, c’est que toutes les populations pauvres sont perdues, elles ne trouvent pas leur place. Les gens cherchent qui peut les sauver, mais ils ne trouvent pas. Certains disent : « laissez les mourir dans la nature, dans la mer, la montagne… on ne les prend pas ». On parle d’humains, là, même des animaux on ne les laisse pas comme ça !

Cette politique de guerre divise les gens entre eux. Chacun a peur de l’autre, a peur d’aider l’autre, de lui parler. Pour moi, c’est nouveau. Dans ma génération, au Maroc, les voisins partageaient avec ceux qui n’avaient rien, une femme qui cuisinait allait voir si sa voisine avait besoin. Maintenant, la peur empêche de faire cela. C’est un effet de la guerre politique. La politique de guerre nous présente des gens du pays comme des ennemis, pousse les gens à penser dans la méfiance, chacun contre l’autre. Quand on vit dans la paix, on n’a pas peur de l’autre, on ne le voit pas comme un ennemi.

2) Qu’est-ce que vouloir la paix ?

Il faut que chaque vie compte : le pauvre comme le riche. Celui qui est riche, il est riche, ça m’est égal. Mais celui qui n’a rien, il faut qu’il ait sa part. Les réfugiés, ceux qui fuient, ceux qui sont pauvres : il faut qu’ils vivent, il faut qu’ils aient une vie correcte. Il faut sortir de cette période de guerre. La guerre c’est la richesse pour quelques uns, la paix, c’est la vraie richesse possible pour tous.

La personne dont on ne compte pas la vie, ça veut dire que c’est un ennemi. On est en tension, on surveille l’autre, on se méfie… Mais si je compte cette personne, je pense à elle, à sa vie, je partage des choses avec elle. Si tout le monde n’est pas compté, on a une guerre : Si chacun compte, on a la paix. On a la paix quand chacun compte et chacun pense qu’une vie = une vie, et tous pour tous.Ça c’est la paix.

3) Comment faire ? Quels exemples ?

D’abord, il faut bien comprendre que la paix, ce n’est plus l’affaire de l’Etat, parce qu’aujourd’hui, l’état ici comme ailleurs, mène une politique de guerre, à l’intérieur contre des parties de son peuple et à l’extérieur contre les autres peuples.

Aujourd’hui, cest seulement les gens eux-mêmes qui peuvent faire la politique de paix, la construire.

Ensuite, il ne faut pas céder à la peur. A partir du moment où on décide de faire des choses pour tous, il n’y a plus de place pour la peur. Par contre, si on se tait, si on ne bouge pas, si on ne cherche pas un chemin, on est complice.

Il faut être solidaires pour créer une politique de paix : c’est ça la vraie solidarité pour moi.Il ne s’agit pas simplement d’ aider les gens, c’est bien d’aider les gens, de leur donner des vêtements, de l’argent, de la nourriture, pouvoir être au chaud, tout cela est bon, mais ça ce n’est pas assez : ça permet de passer quelque temps, mais on ne peut pas le faire tout le temps, il faut des moyens…

Les gens ont besoin de travail, de logement, de soins, d’aider leurs familles restées dans leur pays d’origine. Ils ont besoin de trouver leur place dans le pays. C’est pour cela qu’il faut arriver à construire une politique de paix.

Il faut être chacun à côté de l’autre pour créer la paix.

Certains disent : « c’est pas facile, c’est pas pour moi. » Mais les gens entre eux peuvent faire des choses, dire des choses. Je vois des exemples : des gens aident les réfugiés qui passent dans les montagnes, en mer… ces gens-là cherchent la paix. Dans les grandes villes, les gens qui travaillent ensemble pour tous font avancer la paix. On peut trouver d’autres gens pour ça, des lieux pour ça.

Chaque personne peut venir à une réunion, parler à d’autres. On discute, et on sort avec une idée, une phrase pour la solution au problème : une idée commune, pour tous. Les idées circulent comme ça. Les idées, c’est les gens eux-mêmes, entre eux.

Si je dis « je peux rien faire, personne ne m’écoute », je suis faible, je ne compte pas, je ne suis pas compté devant les autres. Si je veux compter, je dois faire face, qu’on m’écoute ou pas, il faut que je dise ce que je pense pour tous. C’est ce qui peut faire une politique de paix, une vie de paix, un moment de paix.

Cherif

Novembre 2018

Texte en PDF : article Chérif la paix