Le Président Macron nous annonce solennellement, 6 fois de suite, dans son discours du 16 mars que « nous sommes en guerre ».
Prenons-le au mot : Si nous sommes vraiment en guerre sanitaire, alors on est en droit de penser qu’on nous rejoue là la débâcle de 39/40 : débâcle annoncée, et justement nommée « l’Etrange défaite » par le grand historien Marc Bloch.
Comme en 1939-40, des gens se battent ou veulent le faire, sont présents, au front ou prêts à s’y rendre et pourtant aucun soutien ne vient, aucun acte fort si ce n’est des amendes de 135 euros pour ceux qui contreviendraient (à tort) aux consignes de confinement
En 39-40 tout manquait : pas de réserves, l’essence n’arrivait pas, les uniformes, les munitions non plus, et pas de directives claires… C’était une armée battue d’avance car une partie importante de l’état major avait déjà capitulé avant de se battre.
Aujourd’hui, face à l’épidémie, les « coups de gueule », les cris de colère, les analyses détaillées de tout ce gâchis humain sont légion. Pas un jour sans que tel grand professeur, tel grand hospitalier reconnu, tel ou tel agent de santé confronté au quotidien au virus, au risque de sa santé, de celle de ses proches, de sa vie, ne témoigne de cette incurie, de cette irresponsabilité.
Ce retard considérable (plusieurs semaines) à prendre les décisions d’approvisionnement des « armes de guerre » nécessaires, en l’occurence de simples masques, des appareils respiratoires, des gels, des combinaisons jetables, des tests … est longuement analysé, argumenté par les principaux utilisateurs.
En réalité, ce discours martial est celui d’un personnage qui joue à la guerre, qui se délecte d’en parler, qui prend plaisir à nous détailler la mise en place d’un hôpital militaire dans l’Est de la France (mais dont 3 jours plus tard, on discute encore de où l’installer !). Une fois les effets d’annonce et les grandes envolées lyriques dissipés, la réalité apparaît dans son horreur : tout cet « effort de guerre » tant vanté n’est malheureusement que du vent face à une situation plus dramatique de jour en jour. Cette mascarade télévisée serait risible si il n’y avait pas la vie et la santé de milliers de personnes en jeu.
Il n’y a plus de doute possible : ne pas penser comment affronter le danger annoncé fait de vous soit un incapable, soit un cynique absolu avide de sa seule carrière, et dans tous les cas l’acteur d’une politique contre les gens du pays, contraire à la prise en compte des besoins réels.
Il suffit de voir les règlements de comptes qui commencent à se dessiner pour sauver sa peau dans l’après crise : « c’est pas moi, c’est l’autre qui ne m’a pas écouté » que s’envoient ministres, présidents, « responsables » de toute sorte… pour prendre la mesure de leur incompétence, de leur légèreté et de leur responsabilité inassumée dans l’expansion de cette épidémie dont les proportions auraient pu être limitées.
Leur mépris des gens et leur inintérêt total pour la vie réelle de la population les a rendus aveugles, incapables de penser quoi que ce soit pour l’intérêt public, affairés qu’ils sont autour des courbes financières, des tendances boursières, du déficit, du PIB… et bien sûr de leur carrière.
Tout cela fonctionne comme un effet de loupe : nous avons là un grossissement des choses, la nature profonde des pensées à l’oeuvre apparaît clairement : ce ne sont que des politiques porteuses de désastres pour les gens. Les choix faits sont clairs.
D’un Etat qui se pense sans peuple, qui se veut séparé des gens depuis Sarkozy, nous en arrivons à un Etat incapable de faire face à des difficultés sérieuses et d’en anticiper les développements (et ce n’est pas faute des signaux d’alarme lancés depuis plus d’un an par les urgentistes et autres soignants). Un Etat en panique, qui navigue à vue et se révèle incapable d’assurer la prise en charge réelle des besoins de tous en répondant au minimum attendu : ici, la santé publique.
On le voit bien, la question de fond n’est pas celles des moyens. Ils sont certes indispensables, mais ils découlent d’un choix, qui lui-même est le produit d’une pensée sur le réel :
De quoi part-on ? d’où parlons-nous ? Du point des gens ou du point de l’Etat, des puissants, de l’ordre établi tel qu’il va (mal) ?
Avons-nous quelques principes qui nous unissent, qui parlent pour tous ? Ou laissons-nous faire la corruption des esprits qui nous mène à des situations comme celle que nous vivons actuellement ?
La réponse de toutes celles et ceux qui sont confronté(e)s à ce combat nécessaire donne espoir : chacun(e) y va pour l’intérêt général, public, pour tous.
Exactement l’inverse du président qui se dit chef de guerre et de son état-major de pacotille incapables de fournir les « munitions » demandées, ou alors bien trop tard.
Immédiatement, il faut espérer qu’on n’assiste pas à un arrêt des combats faute de combattants : à force de courir après des masques de protection, des gels… combien de soignant(e)s sont déjà malades et ne peuvent plus répondre présent(e)s ?
On peut parler de cela, autrement que dans le fatalisme ou la panique (tous en voiture pour quitter les villes et répandre le virus…), et saisir cet effet de loupe sur la nécessaire politique à penser et à faire nous-mêmes, politique qui doit compter tout le monde en partant des pensées et affirmations de chacun.
Puisque le souci premier de l’Etat n’est visiblement pas la prise en compte de la population, (même si le discours sur les « nécessaires économies » s’est un peu modifié en cette période de crise), se pose la question de la capacité possible des gens à faire face, à avancer des pensées, des principes, des affirmations pour tous, dans chaque situation à laquelle nous sommes confrontés.
Pour cela, il est nécessaire d’élaborer, délibérer, décider ensemble, personnes différentes et à partir de nous-mêmes. Ce chemin peut permettre de faire puissance pour contraindre l’Etat afin que nos points de vue, nos compétences dans les différents domaines, notre souci du « pour tous » soient reconnus, pris en compte, appliqués.
Jean-Louis
20/03/2020
Texte en PDF : à propos de nous sommes en guerre