Politiques criminelles de prédations, de guerres
 et de persécutions.

Pour y faire face : quel rapport à l’humanité, à l’autre, développer – Quel Pays voulons-nous ?

1- Nous sommes dans une période historique où la prédation, le mépris et l’écrasement des autres devient la norme pour des gouvernements, des Etats et des partis politiques qui s’affranchissent de tout droit, de toute morale et de toute éthique.
Cela se fait au nom de la fumeuse ‘doctrine’ du « soit on est un herbivore, soit on est un carnivore, il faut choisir ». Etre une proie ou un prédateur, manger ou être mangé, écraser ou être écrasé, humilier ou être humilié etc…
C’est là une vision des personnes et de l’humanité réduite à la force brute, où l’inégalité totale, la destruction du plus faible seraient naturelles et inévitables; il n’y aurait pas d’autres choix, d’autres subjectivités et décisions possibles.
Le soutien de Trump, Vance, Musk, Netanyahu, Poutine… aux partis d’extrême droite ou néo-nazis européens correspond à cette idéologie, cette politique qu’ils veulent faire triompher partout. Ils s’appuient pour cela sur un courant existant actuellement dans les populations qu’ils renforcent par leurs actes et leurs déclarations. Courant à la fois militant et d’opinion, pour exiger des Etats et des gouvernements toujours plus de persécutions, plus de répression et de violences à l’encontre d’autres parties de la population (c’est ce qui fonde ici en grande partie le vote pour Le Pen/RN).
Après l’Etat sans peuple, Etat séparé, mis en place dans les années 2000 (nous avons souvent détaillé ce point ici), nous avons affaire aujourd’hui à des Etats de persécutions et de prédations sans limite aucune. Etats sans limites, propos sans limites, sans principes, qui laissent libre cours aux plus basses pensées et aux graves actions criminelles qui en découlent.
C’est une politique de déshumanisation à l’oeuvre à l’encontre des précaires, des demandeurs d’asile, des migrants, d’une partie de la jeunesse, et envers d’autres peuples (Palestiniens…). C’est aussi l’indifférence à la mort des réfugiés en mer, et l’abandon de certaines personnes considérées et traitées comme des « sous-hommes ». Le « sans-tabou » ouvert par les Sarkozy, Hollande, Valls et tant d’autres nous a plongé dans ce précipice.
Les barrières subjectives, morales et éthiques issues de l’après deuxième guerre mondiale, qui empêchaient en partie les propos racistes, xénophobes, anti-pauvres les plus durs sont tombées suite aux coups de boutoir de ces politiques, et du peu de réponse qui y ont été données.
On peut dire que la séquence historique ouverte après la seconde guerre mondiale est terminée, et qu’elle se fracasse à Gaza et en Ukraine : Tout ce qui était officiellement soutenu par des lois et des accords où le droit devait en principe prévaloir a pris fin. 

Mais ces politiques de domination et de prédation très sûres d’elles-mêmes occultent un élément, une partie des données non négligeable : les gens eux-mêmes et ce qu’ils peuvent décider à un moment donné de tenir comme points, comme principes, comme possibles à mettre en oeuvre pour une vie vivable par et pour tous. Tout comme elles ne tiennent pas compte des réactions possibles des Etats, en fonction de leurs propres intérêts, de leur courage et de l’attente de leur propre peuple (l’exemple du Canada dernièrement).

2- A propos de l’Ukraine

C’est précisément sur cet oubli et ce déni du fait que les gens existent et peuvent décider autrement, que s’est heurtée l’armée russe, et c’est ce qui la bloque et l’affaiblit encore aujourd’hui. Cela doit nous faire réfléchir, et peut aider certains à sortir du rôle de commentateurs tétanisés dans lequel ils se sont installés face à la situation générale.

L’invasion de la Crimée en 2014 et son annexion, contraire au droit international et à la reconnaissance des frontières, enlève tout doute sur le fait que la politique de Poutine est celle de la guerre et de la prédation sans fin vis-à-vis de son (ses) voisin(s). En février 2022, la nouvelle agression russe, bloquée par les ukrainiens (les colonnes de blindés russes sont obligées de rebrousser chemin alors qu’elles étaient près de Kyiv) permet quand même au gouvernement russe d’annexer 4 régions de l’est de l’Ukraine.
Depuis 2022, Poutine, son armée et ses oligarques, ont dû se rendre à l’évidence : en face d’eux, il y a un peuple, il y a des individusqui ont décidé de leur tenir tête, de ne pas baisser les bras. L’Etat Ukrainien ne s’est pas effondré et a refusé de collaborer avec l’envahisseur Russe. Ce sont là les éléments essentiels qui ont défait les plans impérialistes de Poutine. Au point qu’il lui faut l’appui de Trump pour essayer de faire plier cette volonté à la fois de l’Etat et du peuple ukrainien.

Il n’y a pas à tergiverser : pour tout cela, le soutien aux ukrainiens est essentiel.
Essentiel pour les ukrainiens eux-mêmes évidemment ; essentiel aussi pour tous dans la séquence car cela contredit les injonctions auxquelles les politiques prédatrices fascisantes veulent nous soumettre. La résistance ukrainienne montre que les rapports entre les gens peuvent être régis par des principes porteurs d’un possible autre que les règles barbares et impériales. C’est cela qui a tant irrité Trump et sa bande lors de la ‘discussion’ avec Zelensky. 
Qu’un peuple, que des gens décident par eux-mêmes de ce qu’ils veulent leur est insupportable ; qu’il y ait de la pensée, de l’intelligence et un souci du « pour tous » leur est non seulement étranger, mais met à bas ce à quoi ils travaillent : asservissement et déshumanisation.

Cette volonté d’indépendance nationale est à soutenir, et doit devenir un débat ici, entre les gens, dans la population : qu’en pensons-nous ? qu’est-ce que nous sommes prêts à affirmer, à faire, pour soutenir cela et aller dans cette voie ? 

3- Au nom du social

Il y a sur la question du soutien juste et nécessaire à l’Ukraine une grande confusion, et un trouble entretenus.
On ne peut pas l’éluder en soutenant : « ce n’est pas notre affaire, c’est loin, ça ne nous regarde pas… » comme certains le font ici.
Ou alors en soutenant au nom du « social » qu’il ne faudrait pas dépenser trop d’argent pour l’Ukraine car nous en avons besoin ici. Pensée à court terme, égoïste et chauvine, mais aussi mensongère et porteuse d’impuissance face à la barbarie des politiques de prédation qui se mettent en place. Comme s’il n’était pas évident que Poutine et sa clique visent l’annexion de toute l’Ukraine et des pays voisins, dans le but de reconstituer l’empire de l’ex-URSS défait dans les années 90.

De quel social on parle ? des batailles pour l’égalité, pour le droit et la justice, qui s’appuient sur des principes forts et valent pour tout le monde tout en traitant de situations précises ? Ou celui du « chacun sa pomme, nous d’abord », celui des revendications catégorielles pour améliorer le sort d’un groupe au détriment des autres : actifs contre retraités ou chômeurs, français contre étrangers, hommes contre femmes, employés contre précaires…. qui accentue la séparation des gens et leur assignation à des groupes, des identités réductrices ?
Ce social-là casse, empêche toute constitution d’une idée nationale positive en France1 et laisse la place aux politiques les plus réactives, de séparations et de persécutions des gens à partir d’un identitaire racial (une de ses affirmations phare est « les français d’abord »). Déjà, pendant le Front Populaire en 1936, cette petite musique « sociale » a justifié l’abandon des combattants républicains et anti-fascistes espagnols, a empêché toute pensée et actions sur la guerre qui était déjà là, et a démuni les gens face à la défaite et la collaboration qui ont suivi.

Quels blocages dans la pensée permettent cela ?
Bien sûr, il y a les intrigues en vue des prochaines élections, mais c’est sûrement plus profond.

  • Pourquoi opposer la solidarité à apporter à un peuple, à ceux qui se battent durement pour leur indépendance nationale, pour leur liberté, et les droits ici ?
  • Pourquoi décider qu’il n’est pas possible de penser à la fois un soutien à la résistance Ukrainienne et la situation des gens ici ? 

Peut-être parce que cela demande des principes, cela demande de s’intéresser à la vie des gens, et d’avoir confiance dans la possibilité que des points positifs émergent si l’on met en débat ce qui est en jeu. C’est plus classique, dans le système politique actuel, d’attribuer à chacun(e) une place, de le(la) cantonner dans un déterminisme décidé à l’avance et d’exclure tous débats sains et nécessaires sur quel pays on veut : un pays divisé, replié sur lui-même et prêt à toutes les compromissions, où une partie de la population adhère à la persécution contre une autre partie du pays, et abandonne une part de l’humanité ? ou un pays dont les habitants cherchent et  inventent de nouvelles voies qui permettent un rapport de personne à personne, de principe à principe, et de souci des autres. 
L’opposition entre « social » et pensée sur la guerre, a pour effet le refus et l’abandon d’une pensée et d’affirmations sur le pays, où chaque habitant est pris en compte à égalité. C’est l’impossibilité de constituer un point de vue national fédérateur2, et obligatoirement un blanc-seing donné aux politiques de persécution et de prédation, qu’elles soient nationales ou internationales.
Tenir un point de vue national, pour tous, demande d’y travailler, d’en débattre, de se réunir pour échanger et éventuellement décider ensemble. Cela implique aussi évidemment de s’éloigner des débats et échéances parasites : les places pour les élections par exemple, qui empêchent justement tout débat sur le fond de l’affaire.

4- La magie de la persécution

Il y a aussi la position du RN et de leurs émules à propos de l’agression russe : pour eux le danger n’est pas la Russie et son armée, c’est le musulman, ‘l’immigré’, la ‘submersion’. Cela leur permet de se coucher devant Poutine et de continuer à demander de la persécution et de la violence ici contre des habitants du pays, français ou non. La guerre à l’intérieur les intéresse : il s’agit de taper sur plus faibles que soi, c’est facile, et bien lâche. Ils savent faire.
A ce sujet, on peut citer l’exemple de Mayotte, où le gouvernement a décidé, après le passage du cyclone Chido qui a tout dévasté, que les problèmes pour la reconstruction et l’accès à l’eau venaient de la présence de voisins sans-papiers ! Autrement dit, il faut savoir ignorer et si nécessaire persécuter son voisin pour régler les dégâts, annoncés et donc prévisibles, d’un cyclone… Magie de la persécution. 

4- Des pistes pour faire face

On le voit, les choix qui sont faits ou à faire ici par rapport à l’Ukraine et à son peuple, à ceux qui tiennent face à l’agression russe, font apparaitre de vraies questions qui sont autant de pistes à poursuivre pour penser la grave situation que nous vivons et tenter d’y faire face : 

  • La guerre et les appétits démesurés des puissances prédatrices ne disparaitront pas grâce à la « défense du social » ici : Que veut dire concrètement être aux côtés des Ukrainiens ? On peut par exemple s’intéresser et faire connaitre les formes de la résistance ukrainienne, les pratiques développées entre les gens là-bas, les liens forts entre ceux du front et ceux de l’arrière, et bien d’autres choses encore. Quelles politiques adoptent réellement le gouvernement Français ? L’Europe ?
  • Travailler à une idée nouvelle de ce que «national» pourrait signifier, dans le sens de ce qui intéresse tout le monde et porte l’intérêt général : l’indépendance nationale, la prise en compte de chacun.e dans le pays… Sur certains points, des gens s’engagent, tiennent des principes, cherchent à les faire connaître, qu’il s’agisse de contrer la persécution contre les migrants, de lutter pour les droits et la dignité dans des situations particulières (logement, école, santé… ). Il faut persévérer, débattre, poser et traiter les questions à partir du droit et de la justice (droit des individus mais aussi droit des peuples) et ne pas céder sur l’humanité, la considération de l’autre et le « pour tous ».
  • L’appel à la persécution demandée par des habitants d’ici contre d’autres habitants d’ici, entretenu par le RN et des politiques gouvernementales diverses, interpelle et nécessite de se mettre au travail afin de faire entendre et vivre autre chose à grande échelle. Quels rapports à l’autre, celui qui nous est désigné comme un soit- disant «ennemi intérieur», «différent et dangereux», un inférieur déshumanisé, ouvrons-nous pour vivre dans un pays où chacun est reconnuà égalité avec les autres ? Posé ainsi, cela demande des affirmations, des propositions nouvelles sur la France, son identité en tant que Pays, à défendre éventuellement contre des agressions, et à faire vivre certainement dès maintenant.
  • La question de la guerre et des puissances agressives est posée malheureusement à grande échelle, et nécessite que nous nous interrogions sur : quelles pensées, porteuses de paix et de justice, mais capables de faire face à des agressions et de soutenir des agressés, sont possibles et praticables. 

Jean-Louis
19 Mars 2025

Notes :
1 idée nationale positive qui ouvre à : quel pays voulons-nous ? quels rapports entre les gens ? faire en sorte qu’un habitant = un habitant, que chaque habitant soir reconnu pour ce qu’il est et soit compté à égalité; quels rapports à l’Etat mettons nous en place : qu’attendons-nous de lui …
2Sur ce point il est intéressant de suivre le grand mouvement actuel en Serbie où un très fort sentiment national permet de prendre en compte et de réunir tout le monde, quelle que soit la place sociale, et arrive à faire réellement puissance face au gouvernement corrompu. Des points sortent sur ce que les gens attendent  de l’Etat.

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