ELEMENTS DE BILAN de la bataille contre le délogement et pour le droit de chaque famille à décider de quitter son logement ou d’y rester, et d’être traitée avec dignité et respect.

Cette bataille a commencé il y a plusieurs années sur le quartier de la Reynerie à Toulouse. Les 3 dernières années, elle s’est donnée contre le nouveau plan de renouvellement urbain qui visait à poursuivre la démolition de l’ensemble CANDILIS au Mirail dans un but annoncé de densification du quartier et d’une plus grande mixité sociale. 
De nombreux habitants ont refusé ce plan imposé autoritairement, et qui apparaît comme un énorme gâchis au regard des enjeux actuels de sobriété energétique et écologique, de crise très importante du logement (et en particulier du logement social) et d’un point de vue humain, notamment dans le délogement/relogement des personnes âgées du quartier. 
Un groupe d’architectes, des étudiants (en architecture, en audiovisuel, en design..) des habitants du quartier et de la ville non concernés par la démolition, ont rejoint la bataille et s’y sont engagés, ponctuellement ou sur la durée, chacun avec leur sensibilité et à leur façon (par exemple un court-métrage sur le quartier). Ensemble, nous avons pris de nombreuses initiatives, comme :

  • la manifestation sur le quartier pour exiger, (et gagner temporairement) l’arrêt des travaux de démolition de l’immeuble Gluck alors que plusieurs familles y habitaient encore ; 
  • la journée en “défense de l’architecure du Mirail” organisée à l’école d’Architecture en collaboration avec le collectif d’architectes ; 
  • des rassemblements/débats sur la place du quartier, où sont venus d’autres habitants de Toulouse, des associations (notamment le DAL et la CNL qui ont aussi participé à des réunions élargies), etc..
  • des rassemblements devant la Mairie, le CD… pour demander un moratoire sur la démolition,
  • une journée “peinture des portes des logements condamnés” avec des étudiants en art et design, etc….
    Tout cela organisé à chaque fois par les gens concernés eux-mêmes pour faire connaître notre bataille, débattre, expliquer la réalité de la mise en oeuvre et les conséquences de ce type de projet sur la vie des habitants et les alternatives possibles. 

L’axe mis en avant par l’Assemblée des Habitants était : “partir ou rester, c’est à nous de décider”. C’est pourquoi tout au long de la bataille et encore plus à la fin, lorsqu’il est devenu évident que nous ne gagnerions pas contre la démolition, et pour la réhabilitation des bâtiments, notre principale préoccupation a été de permettre un “bon” relogement des familles, en conformité avec leurs voeux et avec un loyer supportable pour leur budget. 

Les points que nous présentons ici ont été discutés et avancés par des habitants ayant participé à la bataille sur la durée comme éléments de bilan pouvant servir à toutes et tous, et afin que ce qui reste de cette grande bataille (qui se poursuit pour de nouveaux bâtiments) ne soit pas oublié et transformé. 
Chaque élément du bilan qui suit a été mis en avant par une personne différente, à partir de son expérience propre et développé ou non par d’autres. C’est pourquoi, pour chaque point, nous avons décidé de restituer à la première personne les réflexions des participant.e.s . Cela correspond à notre pratique, à la façon de fonctionner constitutive de notre Assemblée, où chacun.e parle en son nom, où c’est à chacun.e de se présenter, sans attendre qu’un.e autre parle à sa place. 

Eléments de bilan avancés par les habitant(e)s ayant participé à la bataille :

  • L’Assemblée, c’est un rassemblement, mais formé par des habitant(e)s du quartier, qui le connaissent, et qui se connaissent, même si tous ne sont pas concernés par les démolitions.” 

    On n’est pas seulement une associations de locataires, on est autre chose : On incluait le quotidien dans l’idée générale. Comme par exemple pour les ascenseurs à D’Indy : on a obligé le bailleur à les réparer et même à en remplacer un hors d’usage par un ascenseur neuf , alors que l’immeuble était déjà aux 3/4 vide et doit être détruit. On est partis du principe que c’est un droit fondamental, que l’absence d’ascenseur mettait la vie de certains habitants restants en danger (impossibilité de sortir pour certains, d’aller chez le médecin, isolement et mise en danger de personnes âgées et/ou handicapées, etc..) et qu’on ne l’acceptait pas. On a obligé les bailleurs et le maire de quartier à nous recevoir on n’a pas cédé jusqu’à avoir gain de cause. On les a aussi obligés à reprendre le dialogue, en mettant en place des permanences hebdomadaires où les locataires pouvaient faire le point sur les difficultés et comment y remédier.”
  • Notre travail reste humain, à la différence des politiques, eux seul le pouvoir les intéresse. Eux et nous, on ne parle pas de la même chose, nous on s’intéresse à ce qui arrive aux gens, sur la durée, on n’utilise pas les gens, les batailles pour autre chose. On ne se remet pas à autrui, à un parti, à des gens de pouvoir pour faire vivre ce qu’on veut, on ne compte que sur nous-mêmes. Comme on ne recherche pas les places, on est libres.”
  • On ne se battait pas d’abord contre les démolitions, même si ces démolitions sont une aberration, mais d’abord pour les gens, pour le respect de leur vie et de leurs droits. On a repris l’affirmation qui était sortie à Messager (un des immeubles concernés) au début du projet : “on n’est pas de la poussière qu’on déplace” et “partir ou rester, c’est à nous de décider”. C’est à dire que ceux qui voulaient partir, changer d’appartement, de quartier etc… devaient pouvoir le faire dans de bonnes conditions et que ceux qui voulaient rester chez eux, dans leur appartement, dans leur immeuble, devaient aussi pouvoir rester. C’est pour ça qu’avec les architectes, on a mis en avant la demande de réhabilitation des immeubles, plus écologique, moins coûteuse et respectueuse des habitants et porteuse d’un réel avenir pour le quartier.
  • C’est un projet qui n’a pas été fait pour les habitants parce qu’il n’a pas été pensé avec eux. Chacun l’a vécu différemment, il y a beaucoup de problèmes différents. les conséquences ne sont pas immédiates, mais se feront sentir à long terme (par exemple pour les personnes âgées qui n’arrivent pas à se réadapter dans leur nouveau logement).”

    On a pris conscience qu’on ne trouverait jamais de logement aussi spacieux, et bien construit à ce prix-là. De ce point de vue-là, on a perdu, parce que les immeubles vont être détruits et qu’on a perdu nos beaux logements. C’est un terrible gâchis.”

    “Ce projet a aussi montré la vraie politique des bailleurs : avant c’était des bailleurs sociaux, maintenant, c’est juste des bailleurs.”

    “Le premier plan pour le quartier, le Grand Projet de Ville (années 80/90), se faisait en concertation réelle avec les habitants, qui participaient, validaient, suggéraient… Cétait un projet global, ambitieux, qui traitait tous les grands points : l’école, les services publics, la voirie, l’emploi, la sécurité (avec la police de proximité), etc… Mais avant d’arriver au bout, ils avaient déjà descendu les prétentions, en disant “ça ne marche pas”, “c’est la faute des gens, ils sont inéducables” et au bout du compte, on en arrive à ces projets qui éliminent carrément les habitants pour les remplacer par d’autres, en leur disant que c’est pour leur bien et que “de toutes façons, c’est décidé, ce n’est pas négociable.”
  • L’Assemblée nous a permis de plus avoir peur. Ca nous a permis d’être ensemble, de ne plus être seuls. Avant, il y avait une proximité entre nous, les habitants, mais on ne l’avait jamais utilisée pour défendre nos intérêts. Là, pour la première fois, on a agi ensemble dans l’intérêt général. Pour moi, c’est quelque chose de nouveau. L’Assemblée est l’outil qui a permis cela”.
  • L’Assemblée nous a permis de ne pas rester dans une situation victimaire, mais d’être acteurs. On a été confrontés à un projet d’une ampleur inédite, qui nous excluait, fait contre nous. Le fait d’être ensemble nous a permis de dire “on est là, on existe”, ça nous a permis de faire entendre notre voix, de rappeler que ce projet, ce n’est pas d’abord des immeubles qu’on démolit, mais qu’il y a des humains, des vies, des habitants qui sont touchés gravement.”
    “Ils ne s’attendaient pas à ce qu’on leur tienne tête ; on les a obligés à nous compter.”
  • La bataille a aussi changé le regard des habitants sur leur quartier, leur a permis de retrouver une certaine dignité. Cela avait commencé avec la bataille pour le maintien du collège. Avant, les habitants reprenaient le discours sur le Mirail “quartier pourri”. Là, en discutant, et avec nos affirmations, les gens ont pu réfléchir et développer les points positifs du quartier, pourquoi ils voulaient y rester, pourquoi ils s’y sentent bien malgré les problèmes qui sont réels. On a pu dire “on aime notre quartier”.

    “On a réussi à changer le regard de pas mal de gens, du quartier ou de la ville, sur la Reynerie.”  

    “Pour les “décideurs” du projet, il était évident au départ que les gens seraient contents d’aller habiter ailleurs, ils ont été surpris de la résistance et des demandes de relogement dans le quartier. Au début, ils l’ont interprété comme une volonté communautariste, de rester entre soi, ce qui n’est pas du tout le cas, car au contraire, comme on l’a montré à l’Assemblée, on est très ouverts et on aime les rencontres, les échanges. On a réussi à travailler ensemble les habitants du quartier et des gens très différents, des étudiants, des architectes…”

    “On était à égalité et on travaillait ensemble, chacun(e) de son point de vue, autour des 2 points qu’on avait mis en avant.”

    “En fait on a découvert qu’on est un des derniers quartiers de Toulouse. On pensait que c’était pareil ailleurs, les liens entre les habitants, l’entraide, etc… mais on a découvert que ce n’est pas le cas, on a découvert la spécificité de notre quartier. Ici, ce n’est pas un lotissement où chacun rentre chez soi le soir et ferme la porte. “
  • On a pu réfléchir ensemble et démonter leur propagande sur le communautarisme et la mixité sociale pour justifier notre délogement : Le communautarisme, on ne l’a pas construit. C’est les bailleurs qui ont concentré toutes les familles ouvrières d’origine étrangère dans ces quartiers. Il faut se rappeler que en 1978, quand la Briquetterie est tombée, parce que c’était une barre énorme de logement insalubres, habitée par des familles d’origine immigrée, ces familles ont massivement été relogées à la Reynerie. Et après, ils nous accusent de communautarisme, alors, qu’il y a je ne sais combien de nationalités dans le quartier, et beaucoup de français, anciens ou nouveaux.”

    “Pour le quartier, la priorité ce n’est pas la mixité, mais la scolarité des enfants, leur réussite, l’emploi (en particulier pour les jeunes), les services publics, les transports..”

    “Au lieu d’agir sur les points négatifs, notamment la question de la drogue, qui a migré du centre-ville dans les années 80 à nos quartiers, ils cassent tout et font partir les gens ! Ca ne résout rien, ça ajoute juste des problèmes et du stress à beaucoup de gens. Mais ça permet aussi de nous désigner nous, les habitants des quartiers populaires, comme des gens louches, dangereux, des étrangers dont il faudrait se méfier.”
  • On a gagné de la fierté et de la dignité : Entendre des gens vous dire “on va vous déménager parce que vous serez mieux ailleurs”, quand on n’a rien demandé c’est très violent. C’est des gens qu’on ne connait pas, avec qui on n’a jamais discuté, qui décident de ce qui est bien pour nous ! J’ai aussi agi pour me défendre contre cet affront, et pour défendre mon quartier, ses habitants, mes voisins.”
  • A travers cette bataille, on s’est émancipé(e)s, on a grandi, on a porté un regard plus mature sur la situation. Avant on trouvait tout normal, là, on a ouvert les yeux sur ce quartier, ses atouts, notre rôle. On a fait beaucoup. On ne s’est pas contentés de défendre notre intérêt personnel, on a agi dans l’intérêt général, pour tout le monde. On a mis des principes en place, on les a défendus. Je ne me suis pas sentie comme une étrangère, mais comme une citoyenne, j’ai pris toute ma place dans la cité. On a intégré la devise,”liberté, égalité, fraternité”, on l’a pratiquée. Quand on allait voir les institutions, c’était toujours de ce point là. On a montré qu’on n’est pas des gens hors sol, hors république comme beaucoup le prétendent.”
  • On a appris qu’on peut être une force. On a découvert qu’on a des droits comme locataires. On a imposé que ce projet qui a été décidé contre nous soit au moins mené dans le respect de leur charte de relogement, que le relogement puisse se faire dans des bonnes conditions.”

    “On a tenu bon, point par point : par exemple, quand le maire de quartier a dit à une délégation d’habitantes que ce projet c’est pour “changer les têtes” dans le quartier, on ne l’a pas accepté, on l’a fait savoir, et ça n’a plus été dit.”

    On a permis aux gens de résister à toutes les intimidations, les pressions, les mensonges des bailleurs pour les obliger à accepter n’importe quoi, et on a obligé les bailleurs à respecter les gens et à cesser de les menacer. Peu à peu on a fait respecter les droits des gens, qui étaient bafoués au début de la procédure de relogement.”

    “Au début, beaucoup de gens ont eu peur ; face aux pressions, ils ont cédé et sont partis vite vite, dans de mauvaises conditions. Il n’y a pas eu de suivi social, alors que c’est un élément de la charte. Les gens se sont retrouvés seuls après leur déménagement, et certains n’ont pas pu assumer. Des familles ont subi des changements dans leur situation, et ont dû redéménager, en trouvant un logement tout seuls, souvent moins bien, parce qu’ils ne pouvaient plus payer le nouveau loyer par ex. Mais ceux qui sont restés et se sont battus pour leurs droits ont obtenu des bons relogements, conformes à leurs voeux, et en particulier ceux qui se sont battus pour rester sur le quartier ont obtenu satisfaction, ils ont eu un bon logement ici ou très proche, avec des baisses de loyer.”
  • L’Assemblée c’est un lieu collectif de formation, d’apprentissage. Avec l’Assemblée, j’ai appris à garder mon calme, à m’adresser aux institutions et à tenir en face d’eux, à défendre mon dossier sans crier. C’est eux qui étaient énervés. Parce que je savais quoi faire, quoi dire, je connaissais mes droits et je n’étais pas seule, du coup, je ne me sentais pas impuissante et humiliée et je pouvais rester calme.”

    “Ils poussent à l’agressivité, mais en fait, on leur a rendu services, parce qu’on est restés dans la modération, tout en étant fermes sur nos principes. On l’a bien senti dans les réunions de “médiation” à la préfecture, par exemple, ou quand on s’est battus pour les ascenseurs à d’Indy. Sans ça, des gens auraient pu aller jusqu’à l’agression à cause de la mauvaise foi et du mépris des bailleurs.”

    “J’ai appris à faire des courriers, l’importance de l’écrit. Avant, je communiquais juste par téléphone, je faisais confiance dans la parole donnée, et j’ai découvert qu’ils mentaient et me trompaient.”
  • Grâce a cette bataille, dans l’Assemblée on a redécouvert la fraternité. On a fait connaissance entre nous, cela a amorti notre tristesse. Ensemble on a fait le deuil de notre bâtiment. Le fait d’être restés jusqu’à la fin, ça nous a permis de voir le bâtiment couler, et du coup on n’a pas eu trop de regret de notre ancien logement, on s’est vite fait au nouveau, surtout qu’on l’avait choisi. “

    “Au début par exemple, ils ont donné des logements bien à certains, et ils leur ont dit “tu ne dis rien, c’est une faveur”. Heureusement, certains n’ont pas joué le jeu, ils l’ont fait connaître, et du coup, on a pu discuter ensemble et justifier les demandes des autres locataires. C’est très important de partager.”

    “Toute l’équipe m’a aidée à grandir, on apprend les uns des autres. On connaît le problème de l’autre, on réfléchit à la solution ensemble et après on peut appliquer ce qu’on a appris pour tout le monde. Ça donne de la force et de la confiance. C’est très important que les gens se réunissent entre eux et décident eux-mêmes pour eux-mêmes. On ne fait rien à la place des gens.”

    “Il n’y avait pas de mots tabous, chacun a parlé de ce qui l’a touché. On n’a pas suivi la ligne majoritaire, chacun a cheminé et a donné sont ressenti selon comment il ou elle l’a vécu”.

    “La particularité du groupe, c’était aussi qu’on modulait en fonction des problématiques du moment de chacun. Les échanges étaient riches, on finissait par conclure et on décidait ensemble à la fin. Même un problème particulier aboutissait à une solution positive pour tous.“

    Ce trésor-là, cette fraternité, on l’avait banalisée et on l’a redécouverte. Ils ont voulu couper ce lien entre nous, mais en fait ça l’a renforcé.”

Conclusion :

Notre bataille a permis d’atténuer les dégâts et les préjudices pour les habitants mais si les politiques avaient intégré réellement le facteur humain, ce projet aurait pu être mené différemment, dans l’intérêt des habitants du quartier et de la ville et non contre eux, dans le seul intérêt des promoteurs et des politiciens. 
Beaucoup de gens étaient prêts à participer pour modifier le quartier, comme au début du GPV (Grand Projet de ville). Mais on ne leur a jamais demandé leur avis : lors des premières réunions dites de “concertation” , les décideurs ont projeté des diapos du futur quartier “renouvelé” pour une autre population, plus classe moyenne, en expliquant aux habitants que ce n’était pas pour eux, que eux seraient relogés ailleurs, plus loin. Et en même temps, ils les sommaient de participer à leur délogement. 
Pendant la procédure de relogement, les responsables du projet ont utilisé des méthodes de voyous pour forcer les gens à partir, en les intimidant (huissiers, convocations en préfecture…) en les menaçant de ne rien avoir s’ils n’acceptaient pas l’offre de relogement, en n’entretenant plus les immeubles promis à la démolition et notamment les ascenseurs, en laissant les points de deal se déevelopper en bas des immeubles, etc…

Les décideurs à tous les niveaux (préfecture, mairie, métropole, département, bailleurs….) ont fait le choix d’une politique discriminatoire, de division et de mépris, enrobée dans le sucre de la mixité sociale et du “ce sera mieux pour vous”. Au lieu de jouer leur rôle social pour améliorer la vie des habitants, (par exemple en réhabilitant les immeubles pour une meilleure protection énergétique et thermique,) ils ont compliqué la vie de personnes déjà vulnérables, comme les personnes âgées mais aussi des familles précaires, qui sont parties au début sous la pression des bailleurs ; ces familles ont dû quitter leur réseau de solidarité et se sont souvent retrouvées en difficulté pour payer le nouveau loyer, souvent plus élevé. Plusieurs ont déjà dû quitter le nouvel appartement, trop cher pour eux. 

Avec ce projet, on a compris que les bailleurs ne sont plus “sociaux”, on a compris que les familles à faible revenu, et tous ceux qui sont considérés comme indésirables d’une façon ou d’une autre ne sont plus pour eux des êtres humains, mais des objets qu’ils déplacent ou effacent à leur gré. Normalement, l’Etat se doit de protéger les plus faibles, les plus précaires, d’apaiser les tensions, de compter tout le monde. C’est dans la devise : “liberté, égalité, fraternité.”

Mais c’est nous qui avons pratiqué cela et qui l’avons sans cesse rappelé à l’Etat, à la Mairie, au CD :

  • liberté pour les habitants de choisir entre quitter leur logement ou y rester ;
  • égalité : chacun, chacune compte. On réfléchit ensemble, on décide ensemble. Chaque situation est à la fois unique et exemplaire ;
  • fraternité : on est ensemble, on n’est pas seul. Chacun(e) apporte sa pierre, son expérience, et en fait bénéficier les autres. Grâce à ça, chacun(e) a pu tenir bon malgré les difficultés et les pressions énormes, et gagner non seulement un bon relogement mais aussi la fierté de ne pas avoir abdiqué. 

Nous avons mis en avant des principes forts : notre souci a toujours été ce qui arrive aux gens, et comment obliger l’état sous ses différents formes à compter chacune et chacun et à les respecter. 
On n’a pas gagné contre la démolition et le délogement, mais on a obtenu des victoires sur ces points là, en imposant des relogements corrects. C’est pour cela qu’on ne l’a pas vécu comme une défaite, une humiliation, et aussi parce qu’on a retrouvé des principes, des valeurs. 
On s’est obligés à réagir et notre manière a été la bonne : On a montré qu’on est impliqués, qu’on est vraiment des habitants et habitantes de ce pays. Alors que les autorités (Mairie, Conseil Départemental, Métropole, Préfecture, Etat, Anru…) étaient coalisées dans ce projet contre les gens du quartier et ne voulaient rien céder (leur leitmotiv était : “ce n’est pas négociable”), la bataille telle que nous l’avons menée montre que même dans une situation très dure, apparemment bloquée, il y a des victoires possibles à condition de ne pas rester dans la confrontation stérile mais de réfléchir le chemin à partir de la vie des gens, de ce qu’on veut et de ce qu’on décide ensemble en tenant compte de chacun.e, pour tous.

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