Je ne les laisserai pas confisquer ma pensée.

La situation actuelle est très anxiogène. On vit une confiscation totale de notre pensée, on n’entend que les puissants, tout est suspendu à leurs caprices, à leurs décisions, à leurs déclarations, que ce soit Trump, Nethanyaou ou Macron, Bayrou et Retailleau.
Pour notre survie, on se doit de dire qu’on ne pense pas comme les dirigeants, qu’on a besoin de respirer et de vivre. Il n’y a pas qu’eux, il y a nous aussi, on est là et on doit montrer qu’on existe, qu’on compte.  
C’est important d’inverser un peu les choses, de rappeler que c’est nous le peuple  qui faisons le pays, qui travaillons. Nous avons le droit de vivre et de penser autrement que ce qu’ils veulent nous imposer. 
Nous avons le droit d’être présents, à notre place, où on veut, quand on veut. Ils prétendent que si on ne rentre pas dans leurs cases, on n’est pas républicains, on est hors-la-loi. Mais la réalité, c’est nous, si leurs cases ne nous conviennent pas, il faut le dire, et refuser de s’y conformer. Eux ne sont pas dans la réalité du  monde des gens ordinaires, c’est à nous de nous imposer. 

Il faut en parler, se parler. C’est nécessaire d’échanger entre nous là-dessus. Si on  est seuls, c’est la colère, le dégoût, le sentiment de subir, l’impuissance. Il faut bouger. 
Il faut qu’on respire, mais correctement, pas en étant sous oxygène. 

Chaque jour, on vit une succession d’injonctions qui peuvent être contradictoires. Cela happe notre attention, notre pensée, mais sur du vide. C’est une confiscation de notre pensée mais aussi une confiscation de notre temps. Eux prennent le temps de réfléchir, avec leur « thing-thanks » etc…  Mais nous, dans ce tourbillon c’est difficile de retrouver le temps de réfléchir sans être dans l’immédiat. 
Du coup, on perd notre capacité à penser le monde tel qu’on le veut, car cela prend du temps, nécessite des discussions, des rencontres. On n’est pas obligés de courir partout, cela ne sert à rien de s’agiter, sinon, on se retrouve comme le lapin dans les phares de la voiture. Il faut arriver à s’écarter, à se poser et réfléchir pour trouver notre propre espace-temps, de rencontres et de réflexion, à distance de l’agitation politico-médiatique. C’est la seule façon de sortir de l’émotion, qui épuise et désespère au bout d’un moment. 

La confiscation, c’est aussi une confiscation de notre légitimité à penser, décider, tenter, agir…  On est contemporains de la fracturation d’un consensus et d’une organisation mondiaux,  beaucoup des repères anciens sont chamboulés, mais cela n’empêche pas notre capacité et notre légitimité à penser, à dire, à affirmer en dehors des injonctions étatiques, à exister et faire valoir notre point de vue, pour une vie meilleure pour tous.

Pour nous, cela s’impose de dire qu’on existe dans tous les sens du terme, par la pensée, la présence. On n’est pas des marionnettes, on n’est pas là où ils veulent nous mettre, on décide nous-mêmes de où on veut se mettre.  Si on veut exister, respirer, si on veut que nos enfants puissent avoir une liberté, il ne faut pas laisser la place aux puissants. 

Ils cherchent  à nous imposer leurs propres repères qui nous ligotent et nous enferment dans la soumission et dans la haine. Il ne faut pas l’accepter. C’est à nous à trouver nos propres définitions du pays, du peuple.  Nous devons faire attention aux arguments qu’ils emploient, aux termes qu’ils emploient et ne pas les reprendre à notre compte. C’est très important de trouver nos propres mots et de les faire vivre. Par exemple, à un moment, on a refusé le terme de « clandestins » et on a imposé celui de « sans-papiers ». Ces deux mots décrivaient des réalités différentes, qui avaient un impact très fort sur la subjectivité des gens, la façon dont ils se voyaient et dont les autres les voyaient.  Refuser « clandestins » pour s’affirmer « sans-papiers », ça a permis de regagner de la dignité, de la légitimité, à nos yeux et aux yeux des autres habitants du pays. 
Pour rester debout, il faut être vigilants et ne pas céder, quoi qu’ils disent. Il faut refuser la victimisation, on n’est pas obligés de subir. On est égaux, leur parole n’est pas plus légitime que la notre. 

La peur ne doit pas nous guider. Beaucoup de gens ne sont pas d’accord avec les discours de haine et de persécution, mais la peur les bâillonne.  Non , il faut dire les choses, affirmer qu’une personne = une personne. En même temps, toute une série de gens de par le monde adhèrent à ces discours, alors qu’apparemment, pour certains en tout cas, ce n’est pas leur intérêt. Mais ils pensent que eux ne sont pas visés par ces discours, car « ils sont bien », et ils croient qu’ils pourront tirer des bénéfices de la persécution d’autres gens. 
Ils adhérent aussi à une simplification du monde, « les bons/les méchants », « les gens honnêtes/les malhonnêtes », « les travailleurs/les feignants ». C’est très dangereux, c’est une démission totale de la pensée. La conclusion de cela, c’est la recherche de l’homme fort, et la soumission au tyran. 
La simplification efface la complexité du monde, et efface les rapports d’humain à humain. 

Au contraire, il faut oser penser cette complexité, oser rencontrer d’autres personnes, d’autres pensées et les confronter pour trouver un chemin à nous, pour nous. Si les choses se font sans nous, elles se feront obligatoirement contre nous. Or nous sommes libres de penser et de vivre le monde autrement, et cette liberté, c’est à nous de nous la donner, de la prendre. 
Cette décision-là change les choses, ouvre d’autres possibles. Par exemple, les paysans dans la Creuse qui refusent l’expulsion d’un jeune africain travaillant dans leurs fermes, en affirmant qu’il a sa place au village, dans leurs fermes, dans leur pays, et en se battant pour que ce soit reconnu par la préfecture, ils ont ouvert une rupture discordante par rapport à l’unanimisme ambiant contre les « étrangers ». 
C’est avec de telles affirmations, de telles décisions qu’on transforme les choses et c’est à la portée de chacune et de chacun. 

Je peux terminer en disant : On est égaux, on est là, et si on dit ce que l’on a à dire, si on fait ce que l’on a à faire, c’est ce qui compte. 

Zoubida
Mai 2025

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2 réflexions sur “Je ne les laisserai pas confisquer ma pensée.”

  1. C’est un très bel article. Très doux, mais qui va droit au but et très véridique dans ses mots

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