Quand j’ai vu le reportage sur l’esclavage des réfugiés en Libye, j’en ai pleuré. Au lieu d’avancer, le monde recule. Voir ça dans un reportage historique sur l’esclavage, OK, mais c’est maintenant, au XXIème siècle où on vit, qu’on revoit ça, c’est trop.
Ce n’est pas normal, les animaux ont une protection, mais des humains peuvent être vendus comme du bétail. Les réfugiés sont bloqués, vendus aux enchères. Avec Sarkozy il y a eu « l’immigration choisie », je disais qu’avec cette expression le gouvernement faisait comme si les étrangers étaient des légumes qu’on va choisir au marché ; maintenant, c’est carrément le marché au bétail.
Ce n’est pas assez de condamner, c’est juste du cinéma étatique et médiatique, et après on passe à autre chose et on oublie.
Il y a là une grande hypocrisie
d’un côté on montre le marché aux esclaves et on s’indigne à juste titre et de l’autre on empêche les gens de se sauver de cette situation, on les refoule. On les condamne à l’esclavage ou à la mort, mais dans les deux cas, ils n’existent plus, on les supprime comme humains.
D’un côté on dit les Libyens sont des barbares de faire ça et d’un autre côté on les paye pour qu’ils empêchent les réfugiés de partir, pour les mettre dans des camps et les utiliser.
C’est une barbarie supplémentaire par rapport aux noyades. Mais les noyades, ce n’est pas le fait des Libyens, c’est le fait des mécanismes mis en place par l’Europe.
C’est un crime
On est responsables de ce qui est arrivé et de ce qui arrive : ces gens ont trouvé toutes les portes fermées, ils risquent leur vie pour échapper à la mort.
Il subissent toujours la politique de guerre : à l’intérieur de leur pays, et ils ont fui pour lui échapper . Mais ils retrouvent toujours cette politique de guerre contre eux à l’extérieur, avec les camps, les soldats, la prison, les violences… Ils ont abandonné leur pays pour sauver leur peau, sauver leur famille ; ce qui les pousse ce n’est vraiment pas de profiter du système de protection sociale français, ils sont bien loin de ça ! Ils viennent pour construire, construire une nouvelle vie, avoir un nouveau départ, pas pour profiter et détruire !
La question ce n’est pas accueillir tout le monde ou pas, c’est : est-ce que ces gens sont humains ou pas, est-ce qu’ils sont nos égaux ou pas ?
On parle toujours des réfugiés à leur place, en disant « ils vont nous envahir » etc… mais personne ne leur demande ce qu’ils veulent réellement, où ils veulent aller, pourquoi ? pour faire quoi ? Il faudrait peut-être commencer par là, c’est aussi ça dire que ce sont des humains.
Pour moi, c’est pire que la guerre, ça détruit la notion d’humain : Si on accepte que des hommes, des femmes, des enfants, soient considérés et traités comme des choses, alors, nous non plus, on n’est pas des humains.
Est-ce qu’on est capables de choisir une politique de paix ?
Maintenant, c’est un moment de choix et de décision. On ne peut pas faire comme si on n’était pas responsables.
On peur dire non à la guerre, à l’intérieur comme à l’extérieur, il faut laisser leur liberté aux humains, trouver une solution avec eux pour leur pays et pour le monde.
La situation en Libye a été créée par la politique de guerre qui a détruit le pays, et donné le pouvoir aux mafias. Elles demandent de l’argent pour bloquer les migrants et les vendent. Ils gagnent deux fois leur bénéfice. En Turquie, le gouvernement utilise le chantage aux réfugiés pour négocier la neutralité de l’Europe par rapport aux kurdes ou à la répression à l’intérieur du pays. Cette politique a abouti à une destruction des états stables qui existaient en Libye, en Irak, etc.. et à leur remplacement par des mafias : du coup, ce n’est plus que le chaos où c’est la loi du plus fort qui règne.
L’UE doit changer de politique. Les pays européens ont une responsabilité dans la situation de guerre actuelle, ils ont une responsabilité dans la situation des réfugiés, ils ont les mains sales. Payer la Libye ou le Turquie ne leur lavera pas les mains, au contraire. Maintenant ils doivent prendre leur responsabilités dans la stabilisation des pays des réfugiés et dans l’accueil.
Mais les habitants de l’Europe aussi ont leur part de responsabilité. La population ici, et en particulier en France a massivement adhéré à la proposition guerrière de l’état, contre la Libye, contre la Syrie, puis il y a eu un grand silence sur les réfugiés.
On peut dire que les guerres soi-disant humanitaires doivent cesser, elle ont fait long feu, on sait ce que ça donne. Protéger les gens, ce n’est pas dire : « nous, Etat fort, on fait la guerre pour faire tomber un dictateur », et ensuite de laisser le chaos pour les gens (Irak, Libye, pays d’Afrique).
Voilà déjà un point que nous pouvons affirmer, sur lequel il est possible de travailler.
Par rapport à la nouvelle loi sur l’asile
La grande proposition de cette loi c’est de renforcer l’emprisonnement en attendant l’expulsion : délais de rétention allongés, assignations à résidence multipliés, peine de prison pour ceux qui franchissent des frontières… tout cela en attendant d’être expulsés dans d’autres pays d’Europe (en remontant les routes qu’ils ont prises pour venir) ou dans le pays d’origine, et pour s’assurer de cela, le gouvernement veut raccourcir les délais de recours juridiques.
Je pense qu’il faut dire que l’on doit laisser vivre les gens là où ils veulent et peuvent avoir de l’aide d’amis ou de leur famille. Et cela pour eux et leur famille, s’il en reste.
Cette nouvelle loi, elle est là pour rajouter du malheur, pour aggraver leurs vies déjà très dures : il n’y a aucune prise en compte de ces gens, de leur vie réelle.
On peut dire quelque chose là-dessus, défendre quelque chose pour la vie, pour la paix.
Je pense que si on laisse ça continuer, ça veut dire qu’on accepte qu’ils soient traités comme des ennemis, et alors ça veut dire qu’on adhère à la guerre, et on commence à penser que la politique de guerre est nécessaire. Mettre des gens en prison (rétention ou autre) pour des papiers, et rien d’autre, ça veut dire qu’on les considère comme des dangers, comme des ennemis.
Cette loi, c’est pour nous mettre derrière ça, derrière la persécution, derrière la guerre. On peut le refuser et le dire.
J’insiste : ce qui est important, ce n’est pas « de le dire » à l’Etat, mais de le discuter entre nous, à nous de dire ce qu’on pense et veut pour le respect et la dignité des hommes, des femmes et des enfants qui sont réfugiés de la guerre, de la misère.
On sait que l’Etat est aujourd’hui un Etat qui se considère sans peuple, qu’il ne compte pas ce qu’on peut dire. C’est pour ça que je dis qu’il ne faut pas attendre « qu’il nous entende » comme beaucoup le réclament, mais qu’il faut dès maintenant commencer à dire et faire soi-même ce qu’on pense pour la paix, les droits, la dignité des gens.
Qu’est-ce qu’on fait chacun pour que chacun compte ?
Chérif
2017-Avril 2018
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