Comment aujourd’hui, se retrouver et travailler ensemble, comment ne pas céder à l’impuissance, à l’isolement, à la lassitude ?
Depuis maintenant plus de 2 ans, nous vivons sur l’état d’urgence : bien sûr la crise du Covid a renforcé la chose, mais cela avait commencé bien avant, dans une tentative de l’état pour briser toute action collective, toute entente entre les gens, toute capacité à nous rencontrer, échanger, inventer ensemble pour que chaque vie compte à nos yeux et à ceux des dirigeants.
Le mouvement des Gilets Jaunes a été une libération pour beaucoup de personnes : il a montré que nous n’étions pas seuls à vivre ce que nous vivons, il a montré que les gens ne sont pas les abrutis que les politiques, les média, les experts… nous présentent, il a montré qu’on peut s’entendre entre gens différents, d’origine, d’âge, de religion, de culture, de profession … différentes.
Face à ça, la réponse de l’Etat, c’est l’état d’urgence, toujours plus dur, toujours plus long, avec les mensonges à longueur de média sur la gestion de la pandémie, avec la propagande pour désigner un ennemi intérieur (les musulmans) contre lequel il appelle les « bons français » à s’unir, et en arrière-plan la poursuite de sa politique toujours plus dure contre les gens (poursuite de la restructuration des hôpitaux et des fermetures de lits, reprise de la réforme du chômage, etc…).
L’Etat fait tout pour nous culpabiliser pour nous rendre responsables des contaminations, des fermetures de classes, de la surcharge des hôpitaux etc… C’est toujours la faute des gens, qui ne respecteraient pas les consignes, celle des enseignants qui seraient trop peureux face au virus, et même des soignants qui refuseraient le vaccin ! mais jamais la faute des dirigeants.
Tout est fait pour nous piéger dans la culpabilité, pour provoquer et renforcer notre isolement. On ressent une sensation d’étouffement. La mort est banalisée, il y a un processus de déshumanisation. Dans les média, les commentateurs de tout bord nous présentent le tri des malades comme inéluctable, même s’ils le regrettent ; on entend des affirmations comme : « les morts du Covid seraient morts de toutes façons », oui, bien sûr, comme nous tous, mais quand ? Des mois, des années plus tard…. La vie perd sa valeur, ou plutôt la vie de certains, celle des personnes âgées, des personnes précaires, des personnes malades, des personnes modestes, celle des premiers de corvée …. Peu à peu, on est poussé à se désintéresser de ce qui nous arrive et arrive aux autres. Toute personne étrangère au cercle familial restreint devient un danger potentiel, la méfiance est généralisée, les media et les politiques de tout bord appellent les gens à se dénoncer, à se censurer, à se recroqueviller sur un espace toujours plus étroit, tout en s’étonnant que tant de gens se sentent mal et présentent des troubles psychologiques.
Les jeunes sont parmi les plus touchés, culpabilisés, accusés de contaminer leurs grands-parents, de transporter la maladie, isolés loin de leur famille, interdits de voir leurs amis, obligés de passer leur journée devant leur écran. Beaucoup ne peuvent plus financer leurs études, leur logement. Ils ne trouvent plus de travail, plus de stage…. Ils ne se voient plus d’avenir, leurs projets s’écroulent.
Partout, les officiels profitent de cette situation où les gens sont fatigués, isolés, pour mettre à l’oeuvre leurs projets brutaux, qu’il s’agisse de destruction de logements sociaux, de destruction de lits d’hôpital, de fermeture de lieux de création, de suppression de l’éducation prioritaire, de mise au pas de la jeunesse, de division et de séparation des habitants du pays (les musulmans et les autres, les premiers de cordée et les derniers de corvée, les jeunes et les vieux, etc….).
De fait, la crise du Covid a été une aubaine pour l’état, un accélérateur pour l’aider à avancer sa politique de mise au pas de la population et de réformes brutales.
Pourtant, malgré tout cela, des gens continuent à se rencontrer, à échanger, à se battre. Ayant compris depuis longtemps qu’il n’y a rien à attendre de l’Etat et des politiques, ils en ont tiré comme conclusion que la seule solution, c’est nous-mêmes, notre capacité à penser, dire et faire ensemble ce que nous voulons pour tous et ils l’appliquent, malgré le contexte, en s’adaptant :
- C’est par exemple des habitants du quartier Reynerie à Toulouse : Alors que la métropole veut détruire leur logement et les faire déménager de force pour des appartements plus petits avec des loyers plus chers, ils sont arrivés à se rencontrer, à rédiger une pétition pour exiger le même loyer pour la même surface dans les nouveaux logements, et à la porter en délégation au bailleur… et réfléchissent à la suite. (voir ici quelques textes et correspondances HLM et Mairie)
- C’est encore des parents et des enseignants d’un collège REP + qui eux aussi, malgré la pandémie sont arrivés à se rencontrer, à pétitionner contre la diminution des heures de cours et la suppression des demi groupes l’an prochain dans leur collège, à se rassembler devant le rectorat où ils ont été reçus. Là aussi, la bataille continue.
- C’est des soignants qui se mobilisent dans leur service, qui inventent pour conserver un minimum de rapport aux malades, et de sens à leur métier de soignant, qui se battent pour cela.
- C’est des artistes qui décident de se retrouver pour continuer à créer, et à rencontrer le public….
Et bien d’autres batailles, en bien d’autres endroits où des gens inventent ensemble un chemin pour tous, créant ainsi de réels espaces de liberté, où on peut exister, dans le rapport aux autres.
Contre la mort à petit feu que nous impose l’état d’urgence, ils ont décidé de réagir. Pas en faisant n’importe quoi, en « pétant les plombs » ou en faisant la fête à outrance, non, mais en prêtant attention aux autres, en osant leur parler de ce qui arrive, les écouter, échanger, proposer et en décidant ensemble de faire ce qu’il y a à faire. Ca ne tombe pas du ciel, cela nécessite une volonté, un travail individuel et collectif où chacun s’implique et persévère.
La première décision elle est individuelle : c’est chacune, chacun qui la prend, pour soi-même, et qui s’y tient. Cela nécessite plusieurs points :
- Redonner sens au point « la vie de chacun compte » pour combattre la déshumanisation et l’isolement créés par le confinement et l’état d’urgence. La vie compte, c’est un point de départ pour penser la situation, tout comme examiner chaque décision, la sienne propre comme celle des autres, y compris les politiques, sous le critère de « est-ce une décision honnête ? » (voir l’article à ce sujet ici).
- S’impliquer physiquement, ne pas déléguer à autrui mais assumer notre responsabilité personnelle dans ce qui se passe, dans la possibilité de changer les choses. On peut donner l’exemple de la jeunesse. Aujourd’hui, une grande partie de la jeunesse est abandonnée par l’Etat, qu’il s’agisse de l’école, de la prévention, de la santé (en particulier la santé mentale ou le handicap) etc… Nous, les adultes, nous sommes leur dernier rempart, leur dernière protection. Si on les laisse tomber ils n’ont plus personne, ils risquent de faire n’importe quoi, de mal tourner, de tomber dans la dépression ou dans l’addiction. C’est à nous de veiller sur eux, de nous battre pour que l’Etat les prenne en compte, fasse le nécessaire pour qu’ils aient un avenir et ne sombrent pas dans la colère ou le désespoir. Ça veut dire aussi qu’on doit se parler entre parents, entre adultes, pour ne pas rester seuls et trouver ensemble des chemins pour les aider. Pour aussi leur montrer qu’on ne baisse pas les bras, qu’il y a pas de fatalité. (à se sujet, voir ici le Livre Blanc fait par des gens divers).
Il y a toujours un possible et cela dépend de nous, de chacune et chacun de nous, de la volonté de chacune et chacune de nous à nous battre pour que chacun compte, pour que chaque vie soit respectée et de notre capacité à décider ensemble de ce que nous voulons pour tous et à le mettre en œuvre, face à l’état et entre nous .
Brigitte
Texte en PDF : Soulever chape