Rien ne nous oblige à subir les appels à la persécution lancés dans cette campagne électorale. On peut choisir de se tenir du côté des gens, s’impliquer pour que chaque habitant du pays soit compté et respecté.
Dans la situation, je vois que beaucoup de gens sont figés, tétanisés par tous les discours politiques qui s’enchaînent et qui sont à chaque fois de plus en plus agressifs contre des parties importantes de la population. Par contre, quand des gens ont leur propre espaces comme les personnes avec qui je milite, me réunis et avec qui je bataille sur divers points (jeunesse, école, logement, droits pour tous, question de la paix et de l’entente entre les gens…) je constate qu’ils/elles ne sont pas dans ce rapport d’attente ou de paralysie. J’en conclus que quand on travaille ensemble autour de ce qui fait la vie des gens, à partir des questions à résoudre pour que tous soient comptés et respectés par l’Etat et les « décideurs politique », on n’est plus figés. Cela libère car on n’est plus sous l’emprise des élections, sous l’emprise de l’Etat et des partis : avoir ses propres lieux où l’on décide de ce qui est important pour soi et pour tous permet de se tenir à distance et d’intervenir pour transformer la situation. Sinon, il n’y a plus d’espoir, plus d’horizon positif pour les gens.
Ce texte vise à mettre ce point en débat, en reflexion, en partage.
Les élections, et le temps qui les précède ont ceci de particulier qu’ils obligent toute pensée, toute prise de position à se faire à partir de celles énoncées par les candidats. La politique est ainsi l’affaire exclusive de l’Etat et de ses partis : ce sont eux qui dictent les priorités de pensée, les possibles envisageables, les prescriptions éventuelles sur le gouvernement. C’est ce que j’appelle l’espace de l’Etat, dont on devrait, de bon ou mauvais gré, se résoudre à faire partie.
Les élections, et celle-là encore plus, facilitent l’hégémonie de l’Etat et donnent l’apparence qu’il n’y a qu’un seul espace possible. C’est en partie ce qui fait que beaucoup se retrouvent impuissants face au déferlement de haine, d’appels aux crimes, d’appels à persécuter des millions de personnes. Les partis et les responsables politiques de l’Etat se comportent en chef de guerres, en inquisiteurs appelant à persécuter et exclure au nom d’une croisade soi-disant de « libération » et de « moralité ». Et ceci est d’autant plus étonnant que la plupart des gens dans le pays ne se pensent pas et ne se veulent pas en guerre !
Il y a de quoi, c’est sûr, s’inquiéter d’une telle campagne électorale qui ne fait que commencer et qui n’a pas encore montré toute l’ignominie dont les politiciens de tous bords sont capables, les thèses de Zemmour donnant le ton, les autres candidats lui emboitant le pas.
On peut dire que ce n’est pas bien nouveau : depuis plus de 30 ans il en est ainsi : Le Pen (père ou fille) donnaient aussi le ton, suivis par tous les autres. La seule différence étant qu’il y a aujourd’hui une surenchère pétainiste avouée et assumée, ouvertement criminelle et revendiquée comme telle, soutenue par des partis ou critiquée du bout des lèvres et sans trop d’énergie par d’autres. Même Le Pen donne l’impression d’être une modérée… Il faut dire que le gouvernement Macron a bien préparé ce terrain : de la politique féroce de répression des Gilets Jaunes, aux lois et « réformes » diverses qui sont toutes de vraies déclarations de guerre contre la population. Le parti LR quant à lui est corrompu jusqu’au cou sur les thèmes de l’extrême droite et ne s’en remettra sûrement pas ; quand au PS, il a déjà disparu des radars.
Macron prend largement sa part dans ces appels à la persécution notamment avec sa prétention à dire qui est citoyen ou non dans Le Parisien du 04 janvier : « Un irresponsable n’est plus un citoyen ». Les irresponsables visés dans cette sortie sont ceux qui refusent la vaccination (à tort à mon avis), et à propos desquels Macron dit « vouloir les emmerder ». C’est très grave, car jusqu’à présent la loi (et Macron la connaît) énonce qu’est citoyen toute personne ayant la nationalité française (hormis les mineurs, les gens sous tutelle ou suite à décision de justice). Ainsi donc, ce n’est plus la loi, mais le Président qui déciderait de qui est citoyen ou non !
Bien sûr ce qui est retenu par la plupart des commentateurs et les politiques porte sur l’insulte et non sur l’essentiel : par sa déclaration Macron ouvre à une affirmation des plus dangereuses et des plus potentiellement persécutoires qui soit : la possibilité de mettre hors citoyenneté des personnes ayant la nationalité française. On retrouve là les tentatives de Hollande et Valls qui en leur temps voulaient enlever la nationalité française aux criminels ayant participé au Bataclan ou à d’autres tueries de masse. On retrouve là aussi les propos de Zemmour sur les francais de religion musulmane, de Pécresse et Ciotti, Le Pen etc…
La campagne électorale est ainsi confirmée par Macron : elle se fera comme une campagne d’attaques, d’appels à la persécution, de tensions contre de nombreux habitants du pays : Zemmour/LePen/Ciotti ont raison nous a-t-il dit ! Ce que nous promettent les élections, et ce quel que soit le « gagnant(e) » c’est de définir le pays par la négative : Qui va-t-on exclure des droits et ne plus compter comme faisant partie du pays ? Qui va-t-on désigner comme ennemis intérieurs à persécuter ? Qui va-t-on prendre comme boucs émissaires pour montrer à tous qu’il n’y a qu’un seul chemin à emprunter : celui de la soumission à l’Etat, à ses injonctions faites de persécution, de division et d’humiliation ? Cela touche de plus en plus de gens : statut social, religion, lieux d’habitation, manifestants Gilets Jaunes, quiconque pense différemment que les discours officiels sur la laïcité ou sur les « valeurs de la république » ou sur « la mixité sociale »…
Voilà pour l’espace de l’Etat. La volonté est claire, et les élections existent aussi pour cela : ne laisser aucun espace propre aux gens eux-mêmes se déployer. Or, c’est à partir de ces espaces-là, où des paroles, des pensées, des actes sont posés par des gens eux-mêmes, et où s’énoncent des principes de droits, de dignité, de paix, d’égalité pour tous, que peut se constituer une idée positive du pays, du point de la vie de tous.
Rien ne nous oblige à subir cette politique, pour cela il faut décider de rompre, et rompre c’est affirmer nos principes et valeurs pour ici et maintenant, dire et montrer que des espaces propres aux gens eux-mêmes sont possibles, efficaces, indispensables.
Pour cela, quelques pistes en débat et en travail :
- Se tenir du côté des gens, du respect de leur vie, de leurs droits, pour que tous soient comptés et considérés comme étant du pays.
- Avoir confiance dans les principes et valeurs qui parlent pour tous et dans la puissance qu’ils peuvent avoir quand ils sont mis en œuvre.
- Avoir confiance dans la capacité des gens à tenir ces principes dans la durée et à constituer leurs propres espaces pour cela.
Cela demande un travail de pensée/action dans les situations, un investissement personnel et collectif. C’est à ce prix qu’on peut être libre et porter une idée positive et affirmative du pays.
Cela se fait ou se cherche dans certains endroits, à certains moments, par des gens divers. Que ce soit dans le rapport aux réfugiés, dans le rapport à la police qui ne veut plus respecter aucun droit ni éthique, que ce soit pour le respect et les droits des personnes dans des situations particulières (logement, école, jeunesse…), contre les persécutions… Là se joue un véritable espace des gens, pour les gens, pour le pays tout entier, afin de mettre en avant des idées affirmatives pour tous : ce que nous appelons des principes.
C’est à cela qu’il faut donner corps et consacrer notre énergie, car c’est entre nos mains, entre les mains de ceux et celles qui le décident, qui font l’effort de le penser et de le mettre en œuvre. Appuyons nous dessus : c’est plus solide et réel que de soutenir un candidat(e).
On peut parler d’intériorité quand une telle démarche existe : la situation dépend de ce que l’on est capable d’en faire, d’en décider, de penser avec d’autres. Le reste n’est qu’extériorité et impuissance : on s’en remet aux « décideurs politiques » pour penser et faire, et c’est souvent le pire qui arrive au lieu du moins pire.
Que des espaces des gens existent sur des principes et dans la durée, ce n’est pas rien : cela redonne les cartes, et l’Etat, les institutions sont obligés d’en tenir compte et, qu’ils le veuillent ou non, de faire avec.
Qu’on m’entende bien : je ne propose aucune orientation de vote : « il n’y a qu’à s’abstenir », ou « voter blanc » ou « chercher le/la moins pire ».
Sur cette question du vote, on peut se rappeler qu’un des points ouvert par le mouvement de Gilets Jaunes a été celui de la représentation, de sa mise en crise totale, de la possibilté de sa fin au profit de la propre présentation des gens eux-mêmes. Cela a de fait ébranlé l’hégémonie politique reconnue aux élections jusque là.
On peut aussi réfléchir sur le propos d’un ami : « Même si tu votes, il faut suivre tes idées, travailler à les mettre en pratique. Je suis pour voter pour le moins mauvais, mais je continue à travailler comme on le fait ensemble, avec les gens, comme si je n’ai pas voté. »
Ainsi, chacun fera comme il l’entend, mais sans oublier que dans l’espace de l’Etat, il n’y a en dernier ressort que l’Etat qui décide.