Nous publions cette lettre adressée au Rectorat et faite par des parents d’une association de parents d’élèves de Reynerie, un quartier de Toulouse, « l’Assemblée des parents ».
Comme vous le lirez, il y a de la colère contre le mépris et le mensonge que les gens ne veulent plus supporter ; il y a de la détermination pour faire face à ce qui arrive aux enfants, pour qu’ils ne soient pas abandonnés et maltraités par l’institution étatique ; il y a de la pensée sur la situation et sur ce qu’il faut : les gens concernés se pensent légitimes à intervenir directement, face au Rectorat et au Conseil Départemental et ils le font savoir. Il y a un possible à l’oeuvre.
Le collège du quartier est peu à peu vidé et doit être fermé à la rentrée 2019, cela au nom de la « mixité sociale ».
Pour plus d’infos sur leur bataille, vous pouvez consulter leur blog : https://assembleeparentsenseignantshabitants.wordpress.com
Madame La Rectrice,
Nous, parents des collégiens de Raymond Badiou, nous sommes très remontés et mécontents.
Dès le début du projet, il y a 3 ans on vous a alertés sur le fait que les enfants qui sont en 4° cette année vont se retrouver tous seuls en 3° pour la dernière année du collège. Vos prédécesseurs et vous-même, vous aviez promis que nos enfants n’en subiraient pas les conséquences. Mme Laporte, DASEN, s’était engagée en juin dernier auprès des enseignants du collège à conserver l’an prochain les moyens accordés pour 2018/19 et à tout faire pour favoriser les apprentissages des élèves, et on apprend maintenant que nos enfansn’auront même pas les conditions d’étude des 3° de cette année et que, de fait, ils n’auront plus de suivi personnalisé.
On en a assez que vous n’écoutiez pas les parents et que vous ne teniez pas vos promesses. Vous nous aviez promis un bilan tous les ans, et on l’attend toujours. Nous, de notre côté, on a des éléments de ce bilan : les enfants trop fatigués par des journées trop longues, qui ont arrêté les activités extrascolaires, les moyennes trop basses, des redoublements, les problèmes dans les bus, etc… Pour nous, ce n’est pas un bilan encourageant, et on n’a pas envie de continuer sur ce chemin.
Le collège BADIOU, c’est un cas particulier. Un collège qui est comme ça vidé par le bas, où ne restent que les élèves de 3°, c’est du jamais vu, cest une première en France et ce serait bien si cétait aussi une dernière. Ce projet, vous devez comprendre qu’il a bouleversé nos vies, et qu’on en subit encore les conséquences, parents et enfants. Vous avez détruit notre quartier, vous détruisez notre collège, vous détruisez notre santé, et vous détruisez les enfants en même temps !
Vous avez condamné les professeurs en leur disant qu’ils n’ont pas bien fait leur travail. Heureusement qu’on constate que c’est faux, que ça se passe bien et que sans eux, beaucoup d’enfants auraient coulé ou couleraient. Mais avec vos paroles, et en revenant sur vos promesses, vous déstabilisez les enseignants, vous leur sapez le moral, vous les stressez et les enfants le ressentent.
Les enfants eux non plus n’ont pas le moral. Au collège, ils ont une étiquette, on leur dit que leur niveau est trop bas. Ils pensent que c’est leur faute si le collège est détruit, si les petits frères et sœurs doivent aller à l’autre bout de Toulouse, ils se sentent coupables et ils en souffrent.
Et on découvre que la Conseillère d’orientation psychologue ne viendra plus qu’une demi-journée par semaine alors que cette année, avec une journée, elle avait dèjà du mal à recevoir tous les élèves de 3° pour leur orientation. Les nuits dans le quartier sont agitées, nos enfants vivent des situations de stress, ils dorment mal, et ils sont aussi très angoissés certains par l’avenir et par l’orientation. Il y a aussi besoin d’elle en tant que psychologue pour rassurer les élèves et les mettre en confiance, sutout que c’est l’année de l’orientation. Même chose pour la documentaliste, qui ne serait plus qu’à mi-temps alors que les enfants auront besoin plus que jamais d’elle pour les exposés, pour l’orientation et pour la culture ! Sans parler de l’infirmière, et de l’assistante sociale, avec des enfants qui ont des maladies longue durée, et tous les dossiers à monter pour les bourses de lycée et autres !
Pour les professeurs, il n’en restera que 6 à plein temps sur 22 à temps plein cette année. ! dans ces condition, qui voudra être prof principal ? Quel intérêt un brevet blanc corrigé par un seul prof ? Qui accompagnera les sorties scolaires ? Comment voulez-vous qu’ils montent des projets culturels, qu’ils prévoient des sorties ? Ils vont crouler sous le travail ! Il ne pourra pas y avoir 2 Profs principaux par classe comme cette année. On devine bien que nos enfants vont être sacrifiés, abandonnés, qu’ils n’auront même pas l’accompagnement d’un collège REP+ ordinaire !
Nous parents, nous n’avons pas choisi la destruction ; détruire le collège, ce n’est pas juste détruire des murs, ça détruit aussi la vie sociale, le lien qui s’est créé entre les personnes du collège (enseignants, surveillants, la concierge, etc..) et les familles, parents et enfants. C’est un lien de confiance, qui a mis des années pour se créer avec des fratries, avec des enfants dont les parents étaient au collège avant eux, etc… un lien unique, qui donnait du repos.
La destruction, c’est votre choix, et ce n’est pas aux enfants d’en payer les conséquences. On ne veut plus que nos enfants soient des cobayes, on ne veut plus qu’ils soient toujours expérimentés. Ils ne sont pas des souris de laboratoire, ils ne sont pas des statistiques, ils ne sont pas de la poussière qu’on déplace, ils sont des élèves. Ils pensent, ils ressentent, ils souffrent, ils espèrent, et ils ont besoin de confiance et de bienveillance pour grandir. Nous refusons qu’ils soient sacrifiés.
On est dans un pays d’égalité, mais on vous le demande : où est l’égalité quand ça tombe toujours sur les mêmes ? Nos enfants sont des citoyens comme les autres, des français comme les autres. On demande que au moins, vous leur laissiez le peu qu’ils ont. Respectez le REP+, respectez votre parole.
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On n’a pas voulu la destruction du collège, vous l’avez fait,
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on n’a pas voulu que les petits partent ailleurs, ils sont partis
Là, maintenant, on dit STOP ! C’est terminé ! On ne laissera pas les derniers élèves du collège être sacrifiés, maltraités, abandonnés par des gens qui n’arrêtent pas de dire que nos enfants ne valent rien, et que c’est pour leur bien qu’on les maltraite.
Vous dites qu’ils n’ont pas le niveau, et vous leur enlevez toutes les aides qui pourraient leur permettre de s’améliorer. On ne comprend pas : c’est quoi la réussite pour vous ? Si c’est abandonner les enfants, alors on préfère notre échec !
On est très en colère, on est très déçus. Nous ne faisons plus confiance aux institutions, qui ne tiennent même pas la parole donnée. Vous nous prenez nos droits, vous nous mentez, vous dites que c’est pour le bien de nos enfants, mais nous, on voit que nos enfants souffrent de ce soi-disant bien.
Vous utilisez votre position pour nous imposer votre volonté, alors que normalement, les services publics sont faits pour les gens, et non contre eux. Vous oubliez qu’on est mieux positionnés que vous pour savoir ce qui est bien pour nos enfants, parce qu’on sait ce qu’ils vivent.
En réalité, c’est nous et nos enfants qui subissons l’échec de votre projet.
Vous devez comprendre que les enfants sont la seule chose, le seul espoir qui nous reste. En nous battant pour eux, nous nous battons pour la France de demain.
Nos enfants ont le droit à une scolarité digne de ce nom. On demande qu’ils gardent au moins ce qu’ils avaient cette année, c’est le minimum que vous leur devez.
On est prêts à vous rencontrer pour vous redire tout ça.
Les parents du Collège Badiou
Copies au Ministre de l’Education nationale, au Président du CD, au principal du Collège Badiou, aux écoles, à la presse
Toulouse, le 22 mars 2019