Quand la guerre devient de plus en plus la politique des Etats de par le monde que reste-t-il de possible du côté des gens pour faire vivre la paix et la justice ?

1) La confusion entretenue sur le mot guerre :

  • Quand il y a eu les attentats à Paris, Hollande nous a dit que nous étions « en guerre », tout comme Macron avec le Covid ;
  • Quand la Russie envahit l’Ukraine, Macron nous dit que « nous sommes en guerre » alors que la France n’est pas militairement engagée dans ce conflit ; par contre il affirme que la France ne fait pas la guerre au Mali quand les troupes armées y sont déployées ;
  • Quand les USA et l’Occident détruisent l’Irak ou quand la Russie envahit l’Ukraine, il n’y a pas non plus guerre du point de vue des agresseurs ; Sarkozy nous a raconté la même chose quand il a bombardé la Libye et détruit l’Etat Libyen etc…

La guerre peut donc se faire sans qu’elle soit nommée. La nouveauté, c’est qu’aujourd’hui, tout en refusant le mot « guerre » pour qualifier les conflits armés où il est engagé, l’Etat nomme « guerre » des situations où il n’y a pas de force organisée en face de lui, mais des individus, criminels de masse ; un virus ; une crise économique ou climatique…
Cette confusion entretenue par l’état et ses relais dans l’opinion sur le sens et la réalité de la guerre, n’est pas le fruit d’une quelconque incompétence sémantique, elle est volontaire. La confusion permet de mettre en place et de justifier une politique faite de tensions, de lois très dures ou d’engager des conflits armés, sans que soit jamais dit et débattu le réel des actions décidées. Elle est révélatrice de la pensée actuelle des dirigeants de nombreux Etats : la guerre est redevenue mondialement une option contemporaine, une tentation ou une nécessité.

Quand le gouvernement, l’Etat pensent toutes les situations par le prisme de la guerre, ils finissent pas nous la faire vivre. Le « sécuritaire » et l’importance donnée à la police pour traiter de l’école, de la vie dans les quartiers, des manifestations, du rapport aux étrangers, aux réfugiés etc… permettent de fabriquer des ennemis intérieurs : la «délinquance », les « flux migratoires », les « séparatistes », ceux et celles qui n’accepteraient pas les « valeurs » de la République. Une des conséquences immédiates de cette politique se voit dans l’importance que prend l’extrême droite ici, mais aussi en Europe et dans le monde, avec la complicité des partis traditionnels au pouvoir.
En France, il y n’a pas de conflit armé, mais pour autant il n’y a pas de paix et de justice pour tous car il y a de la persécution, de la misère, du stress, de l’oppression. Il y a une violence faite à beaucoup d’habitants par des lois, des « réformes », des discours, des mesures de police… Il y a de la part de l’Etat, des gouvernements et des partis une volonté d’attaquer sans cesse les gens, leur tranquillité, leur vie, et cela depuis au moins Sarkozy. Il n’y a pas de conflit armé certes, mais tout cela entraîne des morts, des gens fatigués, malades, désorientés, désignés comme ennemis intérieurs, persécutés et malmenés au quotidien. L’Etat provoque des tensions contre et entre les gens, et se présente ensuite comme protecteur d’une partie de la population. Tout cela participe de nous mettre dans une préparation, une subjectivité de guerre : situation instable, incertaine et précaire, faite de tensions et de persécutions. 

2) Les conséquences sur la proposition de paix comme réponse à la guerre.

La paix n’est plus opposable comme un possible face à cette situation, car elle est vidée, comme la guerre, de tout rapport à la situation réelle : Peut-on parler de paix lorsque des troupes combattent des populations à l’extérieur ? Peut-on parler de paix lorsque toutes les semaines, le Président réunit un « conseil de défense » ? Lorsque régulièrement l’Etat désigne une partie de la population comme « ennemie » du reste ? Si guerre ne veut plus rien dire, il en est de même pour  paix. Et cela est paradoxal alors que nous vivons une période historique où la guerre est omniprésente dans le quotidien, et où elle est présentée comme un horizon inévitable.

3) Sur quoi s’appuyer alors ?

Les choses peuvent se clarifier si nous arrivons à développer nos propres catégories sur la question de la guerre et de la paix. Cela demande de déployer une pensée qui soit de son temps, qui réfléchisse ce que nous vivons et ce à quoi nous sommes confrontés. Pour cela, il s’agit aussi de se mettre à distance des injonctions étatiques afin de séparer ce qui est de l’ordre des Etats et ce qui peut exister du point des gens, ce qui est l’espace étatique et ce qui peut être l’espace des gens eux-mêmes.

On peut déjà dire que la paix ne doit pas se réfléchir dans un rapport à la guerre qui, elle, est de l’ordre de la décision d’Etat, mais qu’elle peut se penser et se pratiquer dans un rapport au pays, à nos vies, à ce qu’on veut pour tous.Ainsi la paix n’est pas que l’inverse de la guerre, elle n’est pas que l’absence de guerre : elle engage une conception du pays et pointe l’importance donnée ou non à la vie des gens. La justice et les droits pour tous, le respect de chacun et le compte de chaque habitant : voilà ce que paix peut vouloir dire aujourd’hui. 

Ce travail peut se mener partout, dans de nombreux lieux, dans un rapport au réel, à ce qui est, et à sa possible transformation. Une pensée d’aujourd’hui sur la paix entre les gens et sur comment l’imposer à l’Etat peut prendre forme à partir d’affirmations et de principes de cet ordre là. 

Notre pratique, nos expériences et batailles nombreuses menées avec les gens sur les questions de l’école, du logement, des droits et de la dignité pour tous nous montrent qu’il est possible de prescrire sur l’Etat et d’imposer un traitement apaisé des situations dures qui nous sont infligées  (mesures de délogements imposés par l’ANRU-Agence de Rénovation Urbaine- et les Mairies ; abandon de l’école, donc des enfants par le Ministère de l’Education etc…).
Un rapport des gens à l’Etat et des gens entre eux, porteur de justice et d’entente : voilà ce que peut vouloir dire rendre la paix possible .

4) Sur la situation internationale.

Le gouvernement et le chef de l’Etat, nous disent : « nous sommes dans le camp occidental, avec l’OTAN ; nous sommes donc contre la Russie et la Chine ». A partir de là, nous voilà sommés, en tant qu’habitants de France, de l’Europe, de nous ranger dans ce camp, autrement cela voudrait dire que l’on prend position pour le camp «adverse». 
Pour montrer qu’être dans le camp Occidental c’est être progressiste, Macron explique « qu’avec la Russie revient le temps de l’impérialisme et du colonialisme » ! Il fallait oser dire une telle énormité, comme si les guerres faites par la France en Libye, le soutien en armement à l’Arabie Saoudite et autres, les troupes et manœuvres françaises en Afrique … étaient pures de toute politique impériale. Comme si les guerres des USA en Afghanistan, en Irak étaient des manœuvres anti-impérialistes.
OTAN/Russie-Chine, il y a de l’impérialisme de part et d’autre, il y a volonté de re-déssiner les zones d’influences et de pillages, il y a en toile de fond la grande rivalité USA/Chine pour la domination mondiale. Doit-on se ranger derrière l’un ou l’autre camp ? 
N’a-t-on pas d’autre choix que d’être dans un camp de puissances qui se préparent toutes à la guerre ? 
On peut tenir l’affirmation que rien ne nous oblige à nous ranger dans un camp impérial guerrier contre un autre camp impérial guerrier. Pour cela, c’est à chacun de dire ce qu’il pense, ce qu’il veut. Il ne faut pas laisser un gouvernement, un chef d’Etat décider seuls d’une chose aussi grave que la guerre au nom des habitants du pays qui eux en subiront les conséquences. On peut là-aussi réfléchir cette affaire de guerre et de paix du point de la vie des gens, ici et ailleurs, et de ce que cela engage pour tous.

La question de la paix possible, telle que nous l’avons définie plus haut, qu’on la réfléchisse d’un point de vue interne ou international, nous impose la même démarche : on peut dire des choses quand l’Etat prend des décisions guerrières, à minima qu’elles ne se font pas en notre nom. On peut travailler, en situation, à formuler et faire vivre des affirmations et des principes pour tous ; La parole, la présence, la présentation de chaque personne est importante, compte.
Que dit chacun-e là-dessus ?

Chérif et Jean-Louis
Octobre 2022